"Heureux qui comme Ulysse a fait un long voyage..." (Du Bellay).
C'est une très belle exposition et un beau voyage que nous présente le musée de Lattara-Henry Prades (agglomération de Montpellier) en 2013, sur un thème original : elle évoque les explorations et les premières routes commerciales à l’origine des premiers échanges entre la Grèce et la Gaule du Sud entre le VII ème et le Vème siècle avant JC (correspondant à la "période archaïque" pour La Grece et au Ier age du fer - "Halstatt" pour la Gaule).
Plus de 400 objets exposés, permettent de retracer ces parcours complexes d’un bout à l’autre du monde connu des Grecs, du cœur de l’Europe celtique jusqu’au Caucase. Cette exposition est labellisée d'intérêt national par le ministère de la Culture.

© Musée Henri Prades - Lattara
Rapidement, les communautés indigènes du Languedoc et les cités grecques de la Sicile méridionale furent reliées par un réseau complexe d’échanges maritimes à travers lequel circulaient des hommes, du métal, des parures féminines, mais aussi des rituels d’hospitalité, des pratiques religieuses et des conceptions du monde.
Il n'est pas aisé de se faire une idée précise des populations gauloises qui furent les premières en contact avec les explorateurs grecs. Les nécropoles gauloises datant de 650 à 550 avant JC nous permettent d'entrevoir les objets, parures et ornements qui constituaient les richesses des aristocrates gaulois.
Tombe aristocratique de Mailhac ( Aude) VII eme siècle : mors de chevaux - photo Gellius
Les tombes féminines renferment de très riches et lourdes parures en bronze, or, ou ambre. A cette époque, les femmes semblent avoir une importance particulière dans la société. L'exposition nous présente de somptueuses parures provenant du Centre, de l'Est ou du Sud de la France du premier age du Fer :
12 bracelets de jambes - dépôts de bronze de Dixmont (Yonne) - VI eme siècle avant JC. Photo Gellius
Collier en ambre ( Europe du Nord) et de corail , grande Cyprée de la Mer Rouge, de Nordhouse datant du Vi éme siècle avant JC - Musée de Strasbourg - photo Gellius
Scene d'habillement et de mise en place des parures d'une aristocrate gauloise pour son mariage au Vi ème siècle avant JC - © Musée Henri Prades - Lattara
La route commerciale qui s'établit entre les colonies de Sicile et la Gaule du Sud au VII ème siècle peut être reconstituée à partir de fragments d'objets gaulois en bronze du Centre et du Sud de la Gaule, d'abord retrouvés associés à des vases grecs dans tombes des nécropoles du Languedoc ( Adge, Béziers, Mailhac..) puis dans l'épave de Rochelongue à Adge (début VIème siècle avant JC) et enfin dans l'agora de Selinonte en Sicile.
Reconstitution d'un bateau grec de la période archaique, à partir des épaves Jules Verne de Marseille - VII ème siècle - photo Gellius
Nécropole de la Courandelle - Beziers - VII ème siècle - Skyphos de type grec se trouvant au milieu d'objets de bronze gaulois - photo Gellius
Au delà de Selinonte, les objets gaulois se retrouvent dispersés dans de nombreuses autres cités grecques de Sicile: Agrigente, Gela, Megara Hyblae, et notamment dans les sanctuaires grecs dédiés à Koré et Demeter, dieux de l'agriculture. Ces dépots votifs grecs sont curieusement constitués de volume important de bronze, sous forme de lingots ou d'objets non grecs, y compris d'indigènes de Sicile.
Sicile - restes de pratiques rituelles grecques - une coupe grecque remplie de 18 galets, de 7 astragales (osselets) et 2 épingles - photo Gellius
Sicile - dépôt de bronze du Mendolito VII ème siècle : pointe de lance, astragales, anse de chaudron...- Musée de Syracuse - photo Gellius
Sicile - dépot de l'Agrora de Selinonte - VI ème siècle avant JC- charniere en forme de lion d'un infundibulum etrusque(passoire-entonnoir servant à tranvaser le vin dans un pichet)
Sicile - Bouqueton de Gela : bouton de harnachement provenant des plaines d'Anatolie VII- VI e siecle avant JC
Ces routes commerciales entre la Gaule et le sud de la Sicile vont se maintenir pendant le VI ème siècle . Elle contribueront à l'essor économique de la Sicile, au renforcement et l'enrichissement des élites de Gaule du Sud.
Toutefois l'arrivée des Massaliètes (colonie grecque à l'origine de Marseille) et des Etrusques dans les échanges mediterranéens vont perturber ces équilibres et faire progressivement disparaitre la route commerciale entre le Languedoc et la Sicile. D'autres voies commerciales vont se renforcer entre le monde méditérannéen et le monde celtique, comme la vallée du rhône maitrisée par les Massaliètes ou les cols alpins maitrisés par les Etrusques.
Enfin, à partir de 540 avant JC, la méditerannée occidentale est dominée par des puissances maritimes affirmées comme Carthage, l'Etrurie et Massalia . La production de vin et de céramique est diffusée de plus en plus dans le sud de la Gaule. Il n'y a plus vraiment de place pour les aventures maritimes des pionniers grecs qui s'étaient maintenues du VII eme à la première moitié du VI ème siècle.
Amphores étrusques - fin du VI eme siècle avant JC- Epave du Grand Ribaud- Hyères - photo Gellius
En Sicile, on observe de nouveaux cultes de dévotions, dont les bronzes sont exclus.
Dans le sud de la Gaule, les équilbres sociaux et familiaux changent. Les panoplies militaires sont de plus en plus nombreuses dans les nécropoles à la fin du VI ème siècle, traduisant peut être une réponse des indigènes aux pressions de plus en plus fortes exercées par les nouveaux arrivants .
La présence des femmes dans les nécropoles et de leurs magnifiques parures de bronze massif se font de plus en plus discretes. La tombe de la princesse de Vix (Cote d'or) , avec notamment son énorme cratère de bronze fabriquée dans une colonie grecque d'Italie du Sud, constitue une des dernières manifestations de cette lignée aristocratiques de femmes d'exceptions.
Plus d'informations :
Le catalogue de l'exposition est disponible : pour le commander sur Amazon , cliquez ici .
Pour tous les renseignements pratiques : le site web du musée de Lattara.
Enfin les collections permanentes antiques du musée valent aussi largement le détour (période gauloise, étrusques et romaines du site de Lattara notamment) !