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C'est une incroyable découverte qui vient d'être été réalisée par l'INRAP lors de fouilles préventives, à Pont Saint -Maxence (Oise) , à un endroit où le passé gallo-romain est mal connu et n'avait laissé jusqu'à lors que peu de témoignage :
Il s'agit d'un sanctuaire gallo-romain, de la seconde moitié du IIe siècle après Jésus-Christ.
Il est implanté sur des vestiges gaulois, est situé le la voie antique qui reliait deux riches cités gallo-romaines entre Senlis (Augustomagus) et Beauvais (Bellovacum).
© Denis Gliksman/Inrap
Le sanctuaire pour une divinité inconnue
Ce sanctuaire, protégé une enceinte de 70 m x 105 m, possède deux petits pavillons à l’arrière, dont seules les fondations sont conservées. Au centre, la Cella, puissante plateforme maçonnée, est accessible par un escalier en façade. Elle constitue le cœur du sanctuaire où était érigée la statue d’une divinité.
Pour quel dieu ou déesse un tel monument a été construit? Les archéologues n’ont pas encore les réponses. Des inscriptions de bronze qui l’ornaient, seule la barre d’une lettre a subsisté, muette.
Une façade monumentale aux riches décors sculptés et peints
L’entrée du sanctuaire se faisait par une façade monumentale , véritable défi architectural de près de 10 m de haut sur 70 m de long, dimensions exceptionnelles en Gaule romaine. Cette façade était percée d’une série de 13 à 17 arcades, surmontées d’un entablement à frise d'attique.
Cette façade monumentale devait être un magnifique panthéon du monde antique, si on en juge par la richesse de ses décors et des statues préservées, représentées de nombreuses divinités et scènes mythologiques, sans équivalent en Gaule romaine.
Des conditions de conservations exceptionnelles de toute la statuaire, liée à un effondrement de l'édifice quelques années après sa construction, en font un site antique rural exceptionnel. A la fin de l'Empire, la plupart des monuments publics et notamment religieux ont en effet été détruits et les pierres réutilisées dans d'autres monuments ou brûlées dans des fours à chaux .
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Reconstitution de la façade à arcades de 70 m de long pour 10 mètres de hauteur -© Christophe Gaston/Inrap
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© Denis Gliksman/Inrap
A première vue un chaos de pierre, en réalité une façade monumentale effondrée avec toute sa statuaire de divinités grecques et romaines, de créatures mythologiques (griffons meduses...), d'une profusion de décors végétaux, méandres à grecque,canthares, personnages sur culots d’acanthe...
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Tête de méduse à visage d'écailles © Denis Gliksman/Inrap
Venus, Apollon, Diane, Jupiter: la statuaire du panthéon grec et romain
La haute qualité technique de la statuaire, la présence de scènes mythologiques rarement figurées, laisse penser que des artistes de de Rome ou de Grèce, ont œuvré ici.
Au sommet de la façade, un des éléments les plus remarquables est un décor de têtes monumentales (3 fois grandeur nature) aux chevelures complexes, et dont les yeux étaient à l’origine incrustés de pierres colorées. Parmi elles, une tête de Jupiter-Ammon aux cornes de bélier. D’autres dieux et déesses, encore indéterminés, alternent avec des griffons assis aux ailes déployées. De nombreux fragments représentent des attributs divins (paon de Junon, carquois et arc de Diane…) ou des visages de dieux (Vulcain ou Ulysse, Hadès, ...).
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Des traces de peinture sont encore visibles : le rouge cinabre côtoyait le vert et le jaune qui réhaussaient encore l’éclat de l’édifice et des statues.© Denis Gliksman/Inrap.
Ces chefs d'oeuvre respectent les canons de la statuaire hellenistique, avec une technique qui semble encore plus relevée que celle observée sur le temple de Champlieu, distant de 40 km.
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Au sein de l'entablement de la façade, une rare scène mythologique méconnue, racontée par Homère, dans l'Odyssée est représentée par une Vénus accroupie est associée à une tête de vieille femme, très expressive. Cette sculpture rappelle que Vénus, épouse de Vulcain , eut une aventure amoureuse avec le dieu Mars. Après cet écart de conduite, Venus se retira dansles bois. Une vieille dame apprit aux dieux, qui la recherchaient, le lieu de sa retraite. Pour la punir, Vénus la métamorphosa en rocher.
Rare scène mythologique décrite dans l'Odyssée: Venus accroupie et la vieille dame, changée en pierre par la déesse après qu'elle l'eut dénoncée aux dieux.© Denis Gliksman/Inrap
« A la fin du règne d’Antonin, on est à l’apogée de l’Empire », rappelle Véronique Brunet-Gaston, de 'lINRAP responsable du chantier de fouilles. En cette période de Pax Romana particulièrement prospère , de riches propriétaires gallo-romain ont-ils voulu marquer leur dévotion envers le panthéon gréco-romain en élevant un monument en leur honneur ?
Est-ce une manifestation d’évergétisme, cette tradition conduisant les puissants à bâtir pour l’édification de la collectivité ? « Il y a une sorte d’hubris à voir, ici, un monument qui aurait aussi bien eu sa place à Rome », note l’archéologue (dans la moral grecque antique, l'hubris est une sorte de "pêché" de démesure ). .
Malgré la chute de la façade quelques années après sa construction probablement pour des raisons liées au sous-sol, au poids de la structure et de ses fondation, le sanctuaire continuera à être utilisé jusqu'au IV eme siècle.